Une étude de l’UD-CSF du Grand Lyon et du Rhône sur les copropriétés mixtes issues de la vente Hlm
L’Union départementale de la Confédération syndicale des familles (UD-CSF) de la Métropole de Lyon et du Rhône a lancé, dès 2019, une étude sur la vente Hlm dans son territoire. Conduite en interne avec le soutien financier et l’accompagnement de la Fondation Abbé Pierre, elle s’est appuyée sur l’expertise et les recherches de Loïc Bonneval, enseignant-chercheur, et de Camille Cimetière Bonnard, ingénieure d’étude, de l’université Lumière-Lyon 2. Avec Marion Pidoux, coordinatrice des activités de l’UD-CSF, ils présentent pour le site du programme de recherche vente Hlm les principaux points à retenir de cette étude.
Pourquoi l’UD-CSF s’est-elle lancée dans une étude sur la vente Hlm ?
Marion Pidoux : Dès 2018, l’UD-CSF a constaté que la vente de logements sociaux transformait de plus en plus de résidences Hlm en copropriétés mixtes et créait de nouvelles problématiques, tant pour les propriétaires accédants que pour les locataires. Or, les connaissances nécessaires pour répondre avec pertinence à cette nouvelle situation n’existaient pas.
Loïc Bonneval : Sollicitée par des comités de locataires de ces copropriétés mixtes, l’UD-CSF souhaitait comprendre les processus de vente qui se mettaient en place, ainsi que leurs conséquences sur les acquéreurs d’un logement et sur les locataires. L’UD-CSF s’inquiétait aussi du fonctionnement de ces nouvelles copropriétés.
Quels principaux résultats ont émergé de cette étude ?
L.B. : Le rapport d’étude* diffusé en mai 2021 met en exergue plusieurs constats importants qui irriguent la vente Hlm. Il souligne la diversité des stratégies et des logiques de vente des bailleurs sociaux indépendamment de leur statut (OPH, ESH, etc.). Les critères qui déterminent leurs orientations sont multiples. Ils peuvent être liés à leur taille et aux nombres de logements qu’ils gèrent, à leurs besoins de financement, ou encore à leurs attitudes vis-à-vis de la vente. Ces attitudes sont-elles même variées : la vente peut être perçue comme un outil favorisant les parcours résidentiels et la construction, ou comme un vecteur d’appauvrissement du parc social.
Autre constat, la vente s’opère sur le temps long et sa mise en œuvre se révèle complexe. Les plans de vente des bailleurs ne sont pas toujours acceptés par les collectivités, et les logements d’une même résidence peinent à trouver tous un acquéreur, même dix ans après leur mise en vente.
Camille Cimetière Bonnard : Les résultats de l’étude soulignent aussi l’apparition de clivages assez marqués entre locataires et nouveaux copropriétaires au sein d’un même immeuble. D’anciens voisins qui se connaissaient voient leurs relations évoluer sous l’influence de la dualité de statut (copropriétaire et locataire) qui se met en place. Cette dualité entraîne à la fois des obligations et des regards différents sur la résidence. On voit apparaître chez certains copropriétaires l’impression que les locataires seraient peu soucieux des parties communes. Leurs relations de voisinage peuvent s’en trouver modifiées.
M.P. : Quand un immeuble Hlm se transforme en copropriété, son fonctionnement est assuré par une nouvelle organisation et de nouveaux acteurs, le syndic et le conseil syndical, que ses habitants ne connaissent pas tous. Parallèlement, les bailleurs doivent s’adapter à une activité qui, pour beaucoup d’entre eux, n’était pas dans le champ de leurs métiers. Enfin, sur le volet mixité sociale, l’étude identifie des risques de dégradation des copropriétés situées dans des immeubles déjà vieillissants avec des copropriétaires qui peuvent peiner à faire face à toutes leurs obligations financières : remboursement de leur emprunt et paiement des charges courantes, augmentées du coût de travaux importants.
© Pierre-Yves Brunaud / USH
Quelles sont les suites que vous donnerez à cette étude notamment sur les initiatives à prendre par l’UD-CSF ?
M.P. : L’étude nous fait bénéficier d’une réflexion globale sur les mécanismes de la vente et ses conséquences. Elle nous fournit des connaissances spécifiques pour repenser notre accompagnement au sein des mêmes collectifs, à la fois des locataires et des nouveaux copropriétaires qui jusqu’à présent ne faisaient pas l’objet d’un suivi de notre part. Nous allons également travailler à améliorer notre compréhension du fonctionnement de ces copropriétés pour savoir comment intervenir dans les assemblées générales et auprès des syndics.
CCB : L’UD-CSF met en place des formations destinées à la fois aux locataires et aux copropriétaires. La première s’est tenue fin juin 2021. Pour les copropriétaires, la marche est souvent très haute à monter et il faut leur expliquer l’intérêt de s’impliquer dans les instances de la copropriété. Les locataires ont eux besoin d’explications pour comprendre comment la gestion et le fonctionnement de leur immeuble ont changé. Enfin, sur le registre scientifique, cette étude sera approfondie dans le cadre du projet « Les ventes dans les régions lyonnaise et grenobloise : quelles valorisations » qui, porté par l’équipe de recherche constituée autour de l’UMR Environnement Ville Société (Université Lumière Lyon 2, Université Jean Moulin Lyon 3, École Normale Supérieure), s’inscrit dans le programme de recherche sur la vente Hlm lancé en 2020.
*Le rapport d’étude est intitulé « La vente Hlm sur le territoire de la Métropole de Lyon : incertitudes sur la mise en œuvre, effets contrastés à l’échelle des résidences et des habitants ».
Pilotage et co-rédaction : Isabelle Georges, directrice de la CSF Métropole de Lyon et du Rhône jusqu’en septembre 2020. Entretiens individuels et co-rédaction : Camille Cimetière Bonnard, stagiaire et étudiante en Master II « Ville et Environnement Urbain », Université Lumière Lyon 2.
Propos recueillis par Victor Rainaldi