Vers quelles formes de gestion et de fonctionnement social des copropriétés?

Par l'équipe de recherche IDPS - ESO - Ville et Habitat - Sylvaine Le Garrec

S’intéresser aux modalités de gestion des copropriétés mixtes issues de la vente Hlm nécessite en priorité de questionner la manière dont les habitants et les bailleurs sociaux se saisissent de leurs nouveaux rôles et apprennent à travailler ensemble. Du côté des habitants, il est indispensable de situer l’étape de l’accession à l’échelle de leurs trajectoires résidentielles et au regard de leurs positions sociales. Ce projet de recherche vise à interroger les modalités d’appropriation de cette nouvelle position résidentielle ainsi que des pouvoirs et des responsabilités qui y sont associés. Il souhaite par exemple mieux comprendre le profil des ménages qui participent et votent en assemblée générale, qui deviennent des membres du conseil syndical, et plus largement la manière dont ces nouveaux rôles sont perçus et compris par l’ensemble des résidents. Du côté des bailleurs, cette recherche souhaite identifier les conséquences de la vente Hlm sur l’évolution des métiers des organismes. La cession de logements dans des immeubles collectifs implique pour les bailleurs sociaux de développer de nouvelles compétences et de tisser de nouvelles relations de travail avec des partenaires inédits, tels que les syndics, les organismes d’accompagnement des acquéreurs et les habitants. Les bailleurs doivent désormais apprendre également à être co-gestionnaires des ensembles immobiliers et à partager les décisions avec les copropriétaires. Mais comment bailleurs et propriétaires individuels se préparent-ils à ces nouvelles fonctions ? Comment ces dernières impactent-elles les pratiques et les manières d’être et d’agir au quotidien ?

En outre, pour comprendre le fonctionnement social des résidences, l’équipe du projet s’intéresse tant aux positions sociales et résidentielles des habitants qu’aux relations de voisinage et de cohabitation dans les immeubles. La situation des copropriétés issues de la vente Hlm interpelle dès lors que ces cessions entrainent la cohabitation de ménages aux statuts résidentiels variés (propriétaires occupants, locataires du parc social, locataires du parc privé). Alors que les habitants partagent, en apparence, les mêmes conditions de logement (le même immeuble, le même type d’appartement, le même quartier), le statut résidentiel est susceptible de représenter un puissant vecteur de distinction et de classement. Au même titre que la position professionnelle, le statut résidentiel est un élément constitutif de la position sociale d’une personne ou d’un ménage. S’intéresser aux positions sociales et résidentielles des habitants, tant dans leurs dimensions objectives (la place qu’ils occupent) que dans leurs dimensions subjectives (le sens donné à cette place), s’avère particulièrement heuristique pour saisir les logiques de différences et de hiérarchies internes aux résidents des immeubles, ainsi que pour questionner les relations de voisinage. La littérature scientifique existante montre en effet comment la cohabitation de ménages aux statuts résidentiels variés au sein d’un même immeuble, ou d’un même quartier, peut conduire à des rapports d’évitement ou de domination dans les relations de voisinage. Ce projet de recherche souhaite ainsi poursuivre les analyses déjà produites sur ces enjeux de mixité sociale et de mixité des statuts résidentiels en analysant les situations de cohabitation nées de la vente Hlm.

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© Alice Delalande / USH

Au carrefour de ces deux approches, ce projet cherche enfin à étudier comment les modalités de gestion impactent le fonctionnement social des résidences. Quels sont par exemple les critères qui, dans la gestion, influencent le sens que les acquéreurs vont donner à leur statut de propriétaire et leurs manières d’investir ce rôle ? Par ailleurs, si l’on considère que le statut de copropriétaire amène à des responsabilités spécifiques (participation au conseil syndical, droit de vote, paiement des travaux etc.) que les autres résidents n’ont pas, il semble important d’identifier si et comment ces responsabilités nouvelles transforment les relations de voisinage. De même, cette recherche souhaite comprendre comment le fonctionnement social des résidences influence les modalités de gestion. Pour ce faire, les enquêtes en cours visent à évaluer si possibilités d’investissement, ou de désinvestissement, dans les copropriétés peuvent varier en fonction du sens que les habitants donnent à l’acquisition de leur logement, du niveau d’entente générale et de vivre ensemble dans les résidences. De premiers éléments de réponse à ces questions essentielles devraient être disponibles dans le courant de l’année 2022.

Parole aux chercheurs

Contacts

Bruno Marot, responsable des partenariats institutionnels et de la recherche, coordinateur du Réseau des acteurs de l’habitat, l’Union sociale pour l’habitat

François Ménard, responsable de programme de recherche au Plan urbanisme, construction, architecture

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