« Faire de la vente un élément de la réussite du parcours résidentiel des locataires »

Pour ce second entretien croisé « acteurs-chercheurs », le programme de recherche a souhaité donner la parole à Sandra Beer et Pauline Gaullier. Sandra Beer est responsable des Études et analyses des marchés à la direction du Patrimoine de CDC Habitat. Pionnier de la vente Hlm, cette institution est le premier bailleur social de France et le partenaire de deux projets du programme de recherche dont celui porté par Pauline Gaullier, sociologue-urbaniste et responsable de l’association Peuples des Villes. Cet entretien a été l’occasion de partager les visions, les attentes et les objectifs de cette coopération entre acteurs et chercheurs.

Que représente la vente Hlm pour CDC Habitat ?

Sandra Beer : Nous avons historiquement un niveau de ventes soutenu qui a connu une accélération dans les années 2000, en parallèle au retrait de l’État du financement direct de la production neuve de logements sociaux. Les cessions nous procurent des fonds propres pour investir dans la construction et la réhabilitation de notre patrimoine. Mais CDC Habitat voit également dans l’accès à la propriété des locataires Hlm un moyen de favoriser leur parcours résidentiel. C’est un objectif important pour le Groupe. En 2009, CDC Habitat a d’ailleurs créé le groupement d’intérêt économique (GIE) Ventes dans le but de professionnaliser la filière et de mieux accompagner les locataires dans leurs démarches d’accession à la propriété.

En quoi consiste votre projet de recherche « Profils et trajectoires des ménages devenus propriétaires de logements sociaux » ?

Pauline Gaullier : Cette recherche vise à documenter et analyser les profils et les trajectoires des ménages qui accèdent à la propriété d’un logement social. L’objectif est également de mieux identifier les motivations qui inspirent leur projet d’acquisition, notamment au regard de leurs parcours résidentiels et d’examiner les effets de l’accession à la propriété. Nous analysons, pour ce faire, plusieurs critères tels que la position sociale des habitants, leur niveau de revenu, leur situation professionnelle, ainsi que leur rapport à la propriété, au quartier et au territoire. Ces observations sont réalisées à plusieurs échelles de temps (1, 3 et 10 ans) pour avoir une vision actuelle mais également rétrospective des effets et des perceptions de l’acquisition d’un logement social à court et moyen terme.

Sandra Beer : La participation au programme de recherche nous permet d’enrichir notre connaissance de l’histoire des logements vendus, puis parfois revendus et reloués, de même que le profil et parcours des acquéreurs. Les modalités de cohabitation entre les locataires et les nouveaux copropriétaires, et leurs conséquences sur le fonctionnement social de l’immeuble, doivent également mieux être maîtrisés par les bailleurs sociaux. À ce sujet, nous avons aussi contribué au projet de recherche du laboratoire Géographie - Cités intitulé « Vente de logements sociaux en Ile-de-France : les organismes Hlm et leurs locataires face au marché immobilier francilien ». Cette enquête nous a apporté des enseignements sur les facteurs exogènes influençant l’achat, les aspirations des acquéreurs, leur parcours et les manières de cohabiter dans les nouvelles copropriétés. Ces résultats alimentent aussi la réflexion sur les différentes modalités de vente Hlm, par exemple celles liées au bail réel et solidaire (BRS), ainsi que sur l’influence des cessions en matière de mixité sociale à l’échelle de l’immeuble et des marchés immobiliers hors Ile-de-France.

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(c) Alice Delalande / USH

Quels sont les points clés de la collaboration entre l’équipe de recherche et CDC Habitat ?

Sandra Beer : Nous avons sélectionné ensemble les terrains d’étude en fonction des critères souhaités par les chercheurs, mais nous avons aussi, en tant que bailleur, pu enrichir le contenu de l’enquête en ajoutant des questions utiles à l’amélioration de nos démarches de vente. La problématique posée par le règlement européen sur la protection des données (RGPD), qui encadre strictement le transfert d’informations personnelles et s’applique à nos données sur les locataires et les acquéreurs de logements sociaux, nous a demandé à tous un gros travail qui se matérialise aujourd’hui par la signature d’une convention. Enfin, nos experts métiers vont aussi être impliqués dans l’enquête en répondant aux questions des chercheurs.

Pauline Gaullier : Ces entretiens qualitatifs auprès des acteurs nous seront particulièrement utiles pour comprendre comment se construit et s’organise la politique de vente d’un organisme. Je précise également, qu’afin d’enrichir notre champ d’étude sur le plan scientifique, nous collaborons avec d’autres bailleurs sociaux, parfois de statut différent (par exemple des offices publics de l’habitat), qui pratiquent la vente depuis plus ou moins longtemps sur des territoires aux caractéristiques variées. Avec le patrimoine de CDC Habitat, nous avons déjà une belle complémentarité entre les résidences de Cergy-Pontoise, en région parisienne, et de Limoges, en Haute-Vienne. Dans les Bouches-du-Rhône, le Laboratoire de sciences sociales appliquées (LaSSA), avec qui nous conduisons cette recherche, travaille avec Logis Méditerranée, une filiale de l’ESH 1001 Vies Habitat, pour étudier les effets des ventes effectuées depuis une dizaine d’années. Cette diversité nous offre aussi la possibilité d’analyser les profils et les trajectoires des ménages acquéreurs dans divers profils de territoires, y compris dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ou ceux situés à leur immédiate proximité.

À quel stade en êtes-vous dans votre enquête ?

Pauline Gaullier : La crise sanitaire et la nécessité de mettre au point une méthodologie de travail conforme aux dispositions du RGPD nous ont un peu ralenti. En ce début de printemps, nous avions quand même pu réaliser une vingtaine d’entretiens avec des ménages sur la soixantaine qui sont programmés. Forts des informations que nous recueillons auprès d’eux, et pour des raisons méthodologiques, nous interrogerons seulement ensuite les organismes. Enfin, notre protocole comporte aussi une recontextualisation des situations de ventes en fonction des caractéristiques des différents marchés (tendus, détendus, QPV, etc.).

À quelle question principale doivent répondre les deux projets de recherche auxquels participe CDC Habitat ?

Sandra Beer : À nos yeux, la question principale est de savoir très concrètement comment faire de la vente Hlm un élément de réussite du parcours résidentiel de nos locataires acquéreurs. Pour les aider à effectuer ce changement de statut dans la sécurité, nous avons d’ailleurs mis en place une garantie de rachat et de relogement des ménages.

 

Propos recueillis par Victor Rainaldi

«Entretien croisé acteur-chercheur»

Contacts

Bruno Marot, responsable des partenariats institutionnels et de la recherche, coordinateur du Réseau des acteurs de l’habitat, l’Union sociale pour l’habitat

François Ménard, responsable de programme de recherche au Plan urbanisme, construction, architecture

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